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Amour est un étrange maître,
Heureux qui peut ne le connaître
Que par récit, lui ni ses coups.
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,
La fable au moins se peut souffrir:
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnaissance.
Du temps que les bêtes parlaient,
Les lions entre autres voulaient
Être admis dans notre alliance.
Pourquoi non puisque leur engeance
Valait la notre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence
Et belle hure outre celà.
Voici comment il en alla :
Un lion de haut parentage
En passant par un certain pré
Rencontra bergère à son gré.
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible ;
La donner lui semblait bien dur,
La refuser n'était pas sûr.
Même un refus eût fait possible
Qu'on eut vu quelque beau matin
Un mariage clandestin.
Car outre qu'en toute manière
La belle était pour les gens fiers,
Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc, ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit : ma fille est délicate,
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez-donc qu'à chaque patte
On vous les rogne, et pour les dents
Qu'on vous les lime en même temps.
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux,
Car ma fille y répondra mieux,
Étant sans cette inquiétude.
Le lion consent à tout cela,
Tant son âme était aveuglée.
Sans dent ni griffe le voilà
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens,
Il fit fort peu de résistance.
Amour, Amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire : Adieu, prudence !