Les lunettes
Jadis s'était
introduit un blondin
Dans un couvent déguisé en fillette
Il n'avait pas quinze ans mais le coquin
Habile, se fit passer pour soeur Colette
A soeur Agnès qui s'y frotta
Un grand malheur lui arriva
Il lui fallut élargir sa ceinture
Et mettre au monde petite créature
Qui ressemblait comme deux gouttes d'eau
A Colette, le garçon déguisé
Scandale et bruit dans l'abbaye
D'où cet enfant est-il plu ?
Comment a-t-on trouvé céans ce petit champignon ?
Il ne s'est quand même pas fait tout seul !
Ah ! il s'est fait tout seul : ma soeur, c'est un miracle !
La prieure est en un courroux extrême
A voir ainsi souillée cette maison
Bientôt, on mit l'accouchée en prison !
Puis il fallut faire enquête du père
Comment est-il entré, comment sorti ?
Les murs sont hauts, antique la soeur tourière
Double est la grille et le tour très petit
Serait-ce point quelque garçon en fille?
Dit la prieure, et parmi nos brebis,
n'aurions nous point sous de trompeurs habits
Un jeune loup? Sus ! qu'on se déshabille
Toi ! toi là bas avec le...
A poil, toutes !
Où prendre un mot qui dise honnêtement
Ce que lia le père de l'enfant ?
Il est facile, n'est ce pas qu'on devine,
Ce que lia notre jeune imprudent,
C'est ce surplus, ce reste de machine
Bout de tuyau aux hommes excédent
D'un brin de fil, il attacha de sorte
que tout semblait aussi plat que soeurette
Mais fil ou soie, il n'est bride assez forte
Pour contenir qui veut dresser sa tête
La prieure a sur son nez des lunettes
Pour mieux considérer la mesure des choses
Tout autour d'elle sont debout vingt nonettes
En un habit que vraisemblablement
n'avaient pas fait les tailleurs du couvent
Secrets appâts, proportion des corps,
Peau fine et fermes têtons
De semblables ressorts eurent bientôt fait jouer la machine
Elle échappa, rompit le fil d'un coup,
Comme un coursier qui romprait son licou
Et sauta droit au nez de la prieure
Faisant voler les lunettes de tout à l'heure