Les grandes orgues
de la collégiale
Saint-André de Grenoble

Isère-France

Les orgues de Grenoble
du XV° au XIX° siècle

     
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Par Bruno Charnay, titulaire.

Après avoir tenté de retracer l'évolution de l'orgue de Saint-André jusqu'au XIX° siècle, il me semble à propos de rassembler ici les principales informations dont nous disposons sur les autres orgues de Grenoble à partir des quelques archives qui ont été publiées. Peut-être d'autres documents dorment-il encore ici ou là, ce qui permettra de compléter - ou d'infirmer - l'histoire que j'essaye de reconstituer ici. Ceci va nous amener à évoquer les anciens lieux de culte de Grenoble, où les chapelles de couvents, rarement parvenues jusqu'à nous, étaient bien plus nombreuses et richement dotées que les églises paroissiales. Celles-là étaient d'ailleurs parfois plus fréquentées que celles-ci, au grand dam de l’évêque et des curés. Enfin, on verra nettement se dégager l'importance de deux instruments : celui de la cathédrale Notre-Dame et celui de la collégiale Saint-André.

Architecture de l'orgue classique

J'emploie moins de termes propres à la facture d'orgue dans ce document que dans le précédent. Cependant, on ne peut totalement les éviter et il y en a quelques-uns, assez récurrents, dont je voudrais donner ici le sens exact :

Quand on parle de Grand-Orgue, ou de Grand Clavier, il s'agit du clavier principal de l'orgue, contenu dans ce qu'on appelle le grand buffet ou grand corps, par opposition au Positif, qui désigne à la fois le clavier secondaire de l'orgue et le meuble placé en bord de tribune et qui contient les tuyaux dudit clavier.  Les claviers - ainsi que le pédalier et les tirages de jeux - sont placés dans un renfoncement du soubassement du grand buffet, pouvant ainsi directement actionner la mécanique de la plus grande partie de l'instrument. On parle de "console en fenêtre", mais on pourrait tout aussi bien parler de "console en placard", l'organiste ayant la tête dans le soubassement de l'instrument, à quelques dizaines de centimètres de la mécanique de l'instrument et ne voyant à peu près rien de ce qui l'entoure. Plus la mécanique est courte, plus l'organiste ressent le déclenchement de la soupape et peut lui donner vie. La mécanique du Positif, quant à elle, passe sous le siège de l'organiste pour rejoindre le buffet correspondant s'il existe. C'est pourquoi on parle de Positif de dos, puisqu'il se trouve dans le dos de l'organiste... mais plus près des yeux et des oreilles de l'auditeur. Il y a cependant des cas assez exceptionnels que j'aurai à évoquer où la tuyauterie du Positif est située dans le grand corps, qui est alors le seul buffet de l'orgue. Le grand buffet contient aussi la tuyauterie des claviers de Récit et d'Echo, s'il y a lieu, et celle du pédalier. Ce dernier reste peu développé jusqu'au début du XIX° siècle, sauf dans les pays germaniques, qui ont aussi par ailleurs pratiqué des mécaniques complexes permettant à l'organiste de jouer tourné vers l'autel et non vers le ventre de l'instrument. Cela permet surtout d'être au contact direct des chanteurs et instrumentistes qui concertent avec lui.

Quant au "grand orgue", avec son équivalent emphatique bien connu "grandes orgues", qui désigne l'instrument principal d'une église et qui s'oppose ordinairement à "orgue de chœur", nous aurons peu à l'employer, dans la mesure où jusque vers 1850, il n'y a ordinairement qu'un orgue dans nos églises de France, le plain-chant étant généralement chanté a cappella, ou alors doublé par cet instrument au son quelque peu dinosaurien que l'on appelait le "serpent". Quand on veut mêler un orgue à un ensemble de musiciens, on emploie plutôt un petit orgue à un clavier qui est posé au sol et que l'on peut déplacer facilement, d'où son nom de "positif", alors que l'orgue de tribune est, pour employer une expression juridique, "immeuble par destination", dans la mesure où il n'est pas possible de le déplacer d'un centimètre au gré de sa fantaisie. On voit cependant la ressemblance de ce type de petit orgue avec le buffet de positif d'un grand-orgue, à la différence près que ce dernier est solidaire du reste de l'instrument.

Comme dans le texte précédent, les principaux ouvrages que j'ai consultés (et que je recommande à qui voudrait aller plus loin) sont l'Inventaire national des orgues, publiés en volumes ou en fichier (généralement un par département) dans les deux dernières décennies du XX° siècle.

Les orgues de Grenoble de la fin du Moyen-âge...

Nous l'avons vu, la présence d'un orgue est attestée au début du XV° siècle à la cathédrale, à Saint-André et à l'église des Dominicains. Notons tout de suite qu'il ne s'agit pas d'églises paroissiales : à l'époque, les paroisses sont Saint-Hugues (attenante à la cathédrale, mais distincte), Saint-Jean (située place Saint-André, au niveau de la statue de Bayard actuelle) ainsi que Saint-Laurent pour le faubourg de la rive droite de l'Isère. Saint-Laurent est à la fois un prieuré bénédictin et le siège d'une paroisse avec curé et vicaire, et même un conseil de fabrique institué par Mgr Laurent Alleman à l'époque qui nous occupe. Bien que paroisse et monastère soient alors fort prospères, on n'a pas encore mis au jour de documents attestant l'existence d'un orgue à cette époque. En 1647, il est fait mention d'un organiste, puis en 1749, on achète un nouvel orgue (soit il n'y en avait plus, soit on a voulu en acheter un meilleur...)

Les couvents existant à l'époque sont ceux des ordres mendiants, Franciscains (ou Cordeliers) et Dominicains (ou Jacobins). Comme on sait que le couvent des Dominicains était particulièrement florissant, rien d'étonnant à ce qu'on y trouve un orgue. Les Cordeliers en eurent un aussi, mais peut-être à une époque plus tardive. Ils avaient une place non négligeable dans la vie de la cité, mais des péripéties comme l'occupation de leur chapelle par les Protestants dès 1562, puis plus encore leur nouvelle installation sur l'actuelle place de Bérulle en 1590, lorsque Lesdiguières récupéra leur ancien couvent pour y installer son arsenal, ont certainement fait passer le souci des orgues au second plan...

...  à la fin de l'Ancien Régime :

L'inventaire des orgues réalisé dans la France entière à la Révolution (dans le but d'en estimer la valeur pour les vendre éventuellement...) fait état de six orgues d'église (Inv. pp.21 et seq.) :

Ce dernier instrument avait été transporté à l'hospice civil "à la fin du siècle". Son buffet avait été réalisé par Thomas Hache en 1744. Précision intéressante, vu la notoriété et le talent de l'artisan, mais nous n'avons aucun détail sur la composition de cet orgue car les deux experts envoyés par le District n'ont pas été autorisés à y accéder par les administrateurs. On peut penser qu'il était de dimension semblable aux deux précédents.

Les quatre premiers nommés avaient évidement un pédalier. On peut le supposer pour les deux autres, même si ce pédalier pouvait être en tirasse, c'est à dire démuni de jeux propres mais muni d'un mécanisme lui permettant d'actionner les touches correspondantes dans le grave du clavier.

Précisons qu'à cette époque, dans l'orgue français type, le dernier clavier (celui du haut) ne parle que sur la partie aiguë, les deux premières octaves étant fixes : c'est le clavier de Récit ou d'Echo, destiné à faire parler un jeu, parfois plus, auquel est juste dévolu une partie mélodique. De grands instruments possèdent ces deux demi-claviers en plus du Grand Clavier et du Positif, comme on l'a vu pour l'orgue (inachevé, de fait) de Saint-André.

Deux remarques concernant les églises paroissiales :

Deux remarques concernant les orgues de couvents :

Sur les six instruments mentionnés, on constate que deux seulement échapperont au vandalisme révolutionnaire : ceux de la cathédrale et de la collégiale, soit le tiers des orgues dont nous avons connaissance. C'est hélas assez représentatif des pertes révolutionnaires en France. Enfin, ces deux rescapés seront démolis et remplacés avant la fin du XIX° siècle, le manque d'entretien consécutif à l'interdiction du culte pendant plusieurs années et la grande misère des églises lorsque les paroisses se relèvent au début du XIX° siècle ayant entraîné des dommages sans retour. Ils ne laissent donc comme souvenir que leurs buffets, malheureusement tous deux assez mutilés.

La cathédrale et la collégiale : émulation ou concurrence ?

L'orgue de la cathédrale possédait certaines particularités qui rendent encore plus triste sa disparition. On les a souvent citées, sans toutefois y chercher une explication. C'est en effet un instrument bien énigmatique sur plusieurs points. De plus, les archives sont très rares, pour ne pas dire inexistantes pour la période de sa construction.

Le buffet a été classé Monument Historique en 1992, en tant qu'œuvre de Jacques Mollard, auquel l'arrêté de classement attribue aussi la partie instrumentale sur la foi d'un courrier de 1699 dans lequel ce facteur d'orgue s'excuse de ne pouvoir s'occuper du jacquemard de Romans car il travaillait "à l'achèvement des orgues de Notre-Dame". Faut-il en déduire pour autant qu'il avait construit cet instrument à neuf ? Sans être impossible, c'est quand même assez surprenant pour cet artisan qu'on ne connait que pour des travaux fort limités à Lyon, sur l'orgue du monastère royal de Saint-Pierre et peut-être sur celui des Célestins. Jacques Mollard est quand même davantage connu pour son activité d'horloger... et d’huissier. N'oublions pas que dès 1686, les chanoines de Saint-André avaient fait "franciser" leur orgue par un Lyonnais, justement, François Dufayet, tandis que les Ducs de Savoie possédaient dans leur Sainte-Chapelle de Chambéry un orgue de style français construit en 1675 par Etienne Senot, ou Senault, de Bourges (voir Inv. des orgues de Savoie). Imagine-t-on l'évêque de Grenoble, ancien chapelain de Louis XIV, le fameux cardinal Le Camus, dans le diocèse duquel se trouvait alors Chambéry, admettre la construction dans sa cathédrale d'un orgue si "démodé" en 1699 ? Cela me paraît impensable... Voici donc un indice de plus (parmi d'autres) pour penser que Jacques Mollard, s'il a bien "achevé" (i.e. agrandi et complété) l'orgue de Notre-Dame, ne l'a pas construit à neuf. Deux ans avant sa mort, il aurait même pu être encore l'auteur des travaux de 1715 mentionnés sans autre précision sur le site de l'Association des amis de l'orgue de la cathédrale de Grenoble.

Ayant travaillé à Lyon, il y a donc vu des orgues édifiés par des grands noms de la facture française. Il serait surprenant qu'il  ait alors construit à Grenoble un instrument présentant des particularités le rattachant à une tradition transalpine. Ainsi le tirage de jeux à l'italienne, c'est-à-dire "ne se tirant point ni ne se poussant ; on les déplace de droite à gauche et vice versa". (Inv.p.301). Des facteurs régionaux comme les frères Eustache, de Gap, on pratiqué ce système, mais beaucoup plus tôt (vers 1660).

De la même façon, certaines caractéristiques du buffet semblent indiquer une époque voisine de 1660. Ainsi, les trois grandes tourelles assez aplaties, et surtout cette double rangée de plates-faces semblables, superposées les unes sur les autres (Inv.ibid.). On ne trouve cette disposition assez rare en France que dans des instruments de cette époque et tous dans le sud de la France. Ainsi, les orgues des cathédrales de Toulouse (1609), Marseille (Vieille Major, détruite, 1661), la collégiale de Draguignan (Eustache, 1638, aujourd'hui disparu). Parmi quelques autres, je ne peux passer sous silence ce buffet si extraordinaire de la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges (1550), qui est antérieur d'un siècle aux précédents et par conséquent de style Renaissance. Si on excepte sa forme en angle, absolument unique, due à une magnifique adaptation à son emplacement dans la cathédrale, c'est celui dont l'ordonnancement général ressemble le plus à celui de Grenoble. Rapprochement bien éloigné dans le temps, mais qui pourrait encore témoigner du caractère exemplaire de ce meuble unique.

Tous ces buffets ont trois grandes tourelles, celle de centre dépassant de peu les deux autres. Sauf le dernier, ils répondent aussi à la description faite par Cavaillé-Coll : "La construction originaire de cet orgue paraît remonter au siècle de Louis XIII. Le buffet porte l'empreinte du style architectonique de ce temps... Ce buffet se trouve couronné par un grand entablement en ligne droite..." Pour la partie instrumentale, Cavaillé-Coll estime qu'elle "a tout au moins deux siècles d'existence... Les claviers à main... manquent du premier Ut # dans la basse... Le clavier de pédale ... dénote la plus ancienne origine". Voir Inv. p. 31 pour le texte complet.

La pédale comportait un jeu de 16 pieds, ce qui est fort rare en France sous l'Ancien Régime, sauf en complément d'une pédale déjà bien fournie en jeux dans de grands instruments assez tardifs. Il faudrait donc plutôt y voir une influence italienne. D'autre part, le plus grand tuyau de ce jeu comportait l'inscription : "J. Gonard, 1660". Je serais fort tenté d'y voir l'indice de la construction première de cet orgue par un facteur italien ayant francisé son nom, ou d'un facteur français formé en Italie... quitte à prendre à rebours l'arrêté de classement de 1992. Evidemment, je ne demande pas mieux que d'être contredit par des archives nouvellement mises au jour.

Une autre particularité de cet instrument est la présence de trois claviers complets et un demi-clavier d'écho, alors que les orgues français de l'époque se contentaient de deux claviers complets, plus un ou deux demi-claviers (Récit ou/et Echo). Je ne vois guère que l'exception magistrale de l'orgue Isnard de  la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, par ailleurs bien plus tardif (1773). A Grenoble, l'instrument d'origine avait peut-être la tuyauterie de ses deux claviers dans le même grand buffet, sans positif de dos, comme on peut le voir souvent au XVII° siècle, particulièrement dans le sud de la France. Pour le mettre "à la mode", on l'aurait ensuite doté d'un positif de dos construit selon la hauteur disponible, donc assez réduit par rapport au grand buffet, puis l'on aurait ajouté un clavier pour le faire parler, sans trop retoucher l'organisation intérieure de l'orgue préexistant. Cela pourrait faire penser à l'orgue de la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne : l'orgue du XVII° avec ses deux claviers1/2 contenus dans un buffet unique a été doté d'un positif de dos entre 1772 et 1775, mais dans ce cas, on a réuni sur un seul clavier (travail plus complexe) la tuyauterie contenue dans le grand buffet (Grand clavier et positif primitif) et agrandi le grand buffet pour loger de nouveaux jeux de pédale.

Voici donc, pour les amateurs qui ne la connaîtraient pas, la composition étonnante de cet orgue grenoblois :

Je serais donc tenté d'imaginer la petite histoire suivante, dont l'esprit ne changerait pas fondamentalement si l'orgue avait été réellement construit à neuf par Jacques Mollard en 1699. En ce cas cependant, l'impulsion de départ aurait été donnée par l'orgue de la collégiale, ce qui serait aussi surprenant, les fonds disponibles freinant la réalisation des travaux ambitieux prévus au départ :

Cette petite histoire aux allures de course à l'échalote est d'autant plus plausible que l'on connaît la concurrence qui a toujours existé entre les deux chapitres de chanoines (Notre-Dame et Saint-André), issue de la lutte de pouvoir entre le Dauphin et l'Evêque, celui-ci cherchant à affirmer l'antériorité de son pouvoir temporel face aux prétentions envahissantes de celui-là. Selon l'éminent archéologue et historien de l'art Alain de Montjoye, on peut même très sérieusement penser que c'est la construction de la collégiale Saint-André par le Dauphin Guigues VI André à partir de 1228 qui a entraîné quelques années plus tard la démolition de la cathédrale romane pour construire l'édifice gothique que nous connaissons "entre le milieu et le troisième quart du XIII° siècle au plus tard" (cf. Autour du groupe épiscopal de Grenoble, ouvrage collectif, DARA, Lyon, 1998). Par ailleurs, comme on le sait, la hauteur des tours est un symbole de pouvoir. La tour de la cathédrale n'était pas très haute (un étage de moins qu'aujourd'hui) et la tour de l'Evêché la dépassait même peut-être. Il est alors significatif que le Dauphin ait fait édifier à Saint-André la fameuse flèche que nous admirons toujours, le plus haut monument de Grenoble jusqu'à... l'édification du clocher de Saint-Bruno en 1879... en attendant la tour Perret, mais cela est encore une autre histoire.

Et le XIX° siècle ?

Après le massacre de l'intérieur de la cathédrale par l'architecte diocésain Alfred Berruyer, sous prétexte d'embellissement, il n'y a donc plus ni grande tribune ouest, ni grand-orgue en 1862. Le buffet ancien, après avoir été charcuté et rafistolé par le facteur Goll, dont on a déjà parlé, est quasiment plaqué au mur du clocher sur une espèce de balcon, comme on peut le voir encore aujourd'hui. Le facteur le plus célèbre (et génial) de France, Aristide Cavaillé-Coll, à qui l'Evêché avait fait rédiger depuis 1859 des projets d'orgues de plus en plus petits, place finalement en 1863 derrière ce buffet, sous l'arcade du clocher, un orgue de... huit jeux, aujourd'hui à l'église paroissiale de Voreppe (voir l'Inv. pour cette autre histoire d'orgue nomade).

En 1898, le facteur Anneessens construit à la collégiale un orgue entièrement neuf de 32 registres, celui que nous pouvons toujours entendre aujourd'hui après restaurations et agrandissements successifs. Le même facteur construit encore l'orgue de la nouvelle église Saint-Bruno à laquelle nous faisions allusion précédemment, puis l'orgue du Petit Séminaire de la Côte-Saint-André en 1902. Et voilà un troisième orgue voyageur, puisqu'il va être transféré à la cathédrale et remonté par le Lyonnais Ruche en 1931. Trois instruments donc dus au même facteur belge à Grenoble dans les trois églises principales de la ville, si on excepte Saint-Louis, où l'orgue en provenance de Saint-Antoine a été reconstruit en 1902 par le facteur, suisse cette fois, Théodore Kuhn.

Et les autres églises ? Saint-Laurent, qui n'avait plus d'orgue après la Révolution, comme on l'a vu, est dotée d'un nouvel instrument au XIX° siècle. Il est aujourd'hui à la cathédrale, où il sert d'orgue de choeur, et même d'orgue unique, depuis que les travaux d'architecture dans le clocher ont rendu le grand-orgue muet en 1990... Deux autres instruments, construits vers 1850, n'ont pas bien franchi les limites du siècle : celui de Saint-Joseph, dont on ne connaît qu'une photo du buffet (évoquant les Callinet), ne fonctionnait plus en 1900. Malgré un projet de transfert dans la nouvelle église demandé au facteur (suisse encore) Tschanum, il a disparu à la démolition de l'ancienne en 1929. Il a fallu attendre 1943 pour que cette nouvelle église (devenue basilique) fût enfin dotée d'un orgue. Quant à celui de la chapelle de l'Ecole professionnelle de Vaucanson, construit par le facteur grenoblois Frédéric Mayer, il a été vendu avant la fin du siècle et se trouve aujourd'hui à l'église paroissiale de Virieu-sur-Bourbre (orgue classé Monuments Historiques). Cela nous permet de citer encore deux orgues qui ont peut-être moins voyagé que les trois premiers, mais qui n'ont pas souffert quand même de sédentarité.

Rappelons aussi la construction d'un orgue au nouveau temple de la rue Hébert par le facteur Goll en 1870, dont subsistent quelques jeux fort beaux dans l'instrument actuel, comme je l'ai déjà dit dans l'article sur l'orgue de Saint-André. Profitons de cette occasion pour dire que la qualité des orgues construits par Goll et parvenus jusqu'à nous rachète heureusement l'aventure cathédralesque de ce malheureux facteur.

Cela nous entraîne peut-être un peu loin des perspectives de départ, mais permet de compléter ce petit tableau des orgues de Grenoble à la fin du XIX° siècle et au tout début du suivant. Il faudra bien aussi un jour reparler des travaux du facteur Anneessens puisqu'il y a toujours trois orgues initialement construits par lui à Grenoble et un aussi à Vizille, celui de Saint-André étant de loin le mieux conservé.

En conclusion, souhaitons que la cathédrale, qui n'a plus aujourd'hui à sa disposition qu'un orgue de huit jeux, comme celui de Cavaillé-Coll en 1869, mais avec la qualité en moins, retrouve un jour un grand orgue de tribune. Tribune reconstruite à la place et aux dimensions de celle stupidement détruite par Berruyer en 1862. Son buffet, classé Monument Historique et qui possède encore quelques tuyaux anciens, pourrait y retrouver avec bonheur les proportions qui furent les siennes jusqu'à cette triste année. Enfin, on pourrait y réédifier un grand instrument pour lequel on aurait tout intérêt à s'inspirer de la disposition si originale de celui qui y trônait alors. Espérons que l'association des Amis de l'orgue de la cathédrale soit un jour récompensée ainsi de ses efforts.

A la collégiale Saint-André, après le grand relevage qui a eu lieu en 2016-2017, que souhaiter de plus ? L'instrument sonne comme il n'a jamais sonné. Peut-être un jour verrons-nous la restauration et la remise en valeur du buffet XVIII°. Cela s'inscrirait logiquement dans le cadre d'une restauration intérieure du bâtiment. Mais quand on voit déjà l'aspect lamentable des extérieurs, on se doute que ce n'est pas pour demain, même si le classement de l'édifice aux Monuments Historiques peut laisser une lueur d'espoir.

Quelques livres...

En plus des Inventaires des orgues déjà cités, je me suis référé bien sûr aux multiples publications concernant l'histoire de Grenoble et de ses églises, dont je n'ai pas l'intention de faire une bibliographie détaillée. Parmi les auteurs les plus autorisés sur ces sujets, on peut citer (de façon évidemment non exhaustive) Robert Bornecque, Alain de Montjoye et Renée Collardelle. Enfin, il faut citer l'intérêt particulier pour la partie centrale de cet article les deux livres de Gilles-Marie Moreau parus aux Editions de L'Harmattan :

On peut trouver bien sûr des indications intéressantes dans des ouvrages anciens, à condition cependant de les confronter avec des recherches plus récentes.